S’affranchir du salariat grâce aux postes à temps partagé

Par William Plummer (articlce paru dans « Figaro Economie »)

Et si le sacro-saint salariat était bientôt révolu… Depuis plusieurs années maintenant, de plus en plus d’actifs en quête de sens dans leur vie professionnelle se tournent vers des nouvelles formes d’emploi. Et parmi celles-ci : le travail à temps partagé.

Un concept impliquant de se mettre à disposition de plusieurs entreprises à la fois pour partager son expertise. D’après le portail du temps partagé, un site spécialisé sur le sujet qui réalise chaque année un baromètre pour évaluer les tendances du secteur, près de 430 000 Français exerçaient déjà leur activité de cette manière en 2019. Et avec la crise du Covid, qui a généralisé le travail et amplifié les envies de bien être professionnel, la dynamique pourrait rapidement s’intensifier. «Historiquement, c’était un peu par hasard qu’on tombait dans le travail à temps partagé. Désormais, c’est un choix de carrière assumé et à part entière. On s’attend très vite à ce que la barre des 500 000 personnes soit dépassée », explique David Bibard, fondateur du portail.

Concrètement, le travail à temps partagé peut s’exercer de trois différentes manières. La première, et la plus répandue, consiste à intégrer une entreprise de travail à temps partagé (ETTP) où un réseau met des experts à disposition d’entreprises clientes. Soit l’actif est indépendant et a auparavant créé sa propre structure, soit il s’appuie sur le portage salarial.

Deuxième possibilité : le multi-salariat. L’actif met à bout plu-sieurs contrats à temps partiel avec différentes entreprises pour, in fine, reconstituer un temps complet. Enfin, troisième possibilité, l’actif se fait embaucher par un groupement d’employeurs qui, par la suite, le met à disposition des entreprises adhérentes. C’est de cette manière que la pratique est réellement apparue. Dans les an-nées 1990, pour répondre à des be-soins ponctuels du secteur agricole, des groupements d’employeurs mettaient alors à disposition des exploitants des travailleurs quelques jours par semaine.

Avant tout des cadres

Mais depuis, la pratique à fait son chemin et s’est invitée dans les entreprises de l’Hexagone. «Désormais, le travail à temps partagé concerne avant tout des cadres qui ont quitté des grands groupes pour faire bénéficier à des entreprises leur expérience. Le tout avec une certaine expertise et une assise dans leur domaine », détaille David Bi-bard. Ainsi, plus d’un professionnel sur deux (56 `)/o) est âgé de plus de 50 ans. Les 40 à 49 ans pèsent 25 %, et les moins de 30 ans 19 °/0. Des chiffres qui illustrent davantage une pratique de fin de carrière. C’est, par exemple, le choix fait par Pierre Lehn. Après plus de trente années de salariat, notamment comme directeur marketing avec plus de 80 personnes sous ses ordres dans un grand groupe, ce quinquagénaire a décidé de proposer ses services en tant que manager stratégie et opérationnel. «Je me suis rapproché d’un réseau et désormais je travaille chaque mois avec 7 ou 8 entreprises en fonction de mon rythme. C’est un choix de vie qui permet de concilier épanouisse-ment professionnel et équilibre personnel », explique-t-il.

Du côté des entreprises, ce sont très souvent les plus petites structures, à savoir les TPE et PME, qui montrent un intérêt pour recruter une personne à temps partagé. Et ce, pour une raison simple : recru-ter un profil expérimenté coûte cher. Le fait de disposer de ce pro-fil une ou deux journées par semai-ne permet donc d’alléger la facture. De fait, 26 % des employeurs se tournent vers le temps partagé pour profiter d’une expertise plus pointue sur certaines compétences, 25 % pour bénéficier d’une solution flexible et 21% afin de mieux maîtriser leurs coûts. Au-delà de l’attrait grandissant des actifs envers ce mode de travail, les employeurs trouvent eux aussi leur compte dans cette solution, à l’heure où la trésorerie des entre-prises est mise à rude épreuve par la crise.